Les aspects financiers et juridiques
Les aspects financiers
1. La structure de coût d’un projet
Que l’on imagine un projet se dérouler au sein d’une société de services informatiques, chez un éditeur de logiciels, un intégrateur ou toute autre structure, les conditions économiques et financières sont omniprésentes et sous-tendent l’intégralité de l’activité. On a coutume de dire « pas de budget, pas de projet » pour rappeler que nul projet ne peut exister sans dotation.
Le chef de projet est au centre d’un dispositif qui consomme des ressources pour atteindre un but. Ce qui est finalement livré représente une valeur perçue par le commanditaire du projet. S’il s’agit d’un logiciel, celui-ci est par exemple vendu à ses utilisateurs et le commanditaire reconnaît un montant financier compatible avec les efforts et les espoirs (rendement) qui ont rendu possible la réalisation du projet.
Le cas des ouvrages « internes » n’est pas différent et, là encore, le chef de projet assure une double charge. Il doit d’abord évaluer l’ensemble des charges financières du projet (réalisation, exploitation, maintenance…) pour le comparer à ce qui pourrait être obtenu grâce à un dispositif externe. Il doit ensuite gérer au mieux son projet pour le conduire conformément aux prévisions.
La structure de coût projette sur un horizon temporel des postes de coûts fixes ou récurrents. L’échelle de temps dépend de la durée du projet, incluant l’exploitation de son produit, voire les réinvestissements.
a. Les salaires et prestations de réalisation
Ces postes représentent fréquemment jusqu’à 75 % des coûts d’un projet, en tous les cas sur la première année et jusqu’à ce que le produit rentre en maintenance. On considère généralement des montants chargés (+65 % du montant net) pour les salaires internes et des montants incluant les marges (markup) quand on se trouve du côté SSII (société de service et d’ingénierie informatique).
À compétence égale, le coût...
Les budgets
1. Constitution des budgets
Les budgets synthétisent les différents plans de charge financiers d’un projet et comptabilisent, sur une échelle de temps cohérente, l’ensemble des charges nécessaires à la mise en œuvre de tous les projets d’une organisation. De cette façon, les directions ont une vision complète de la situation à venir et procèdent aux dotations des projets ou au contraire à des arbitrages.
Selon les cas, les périodes de référence vont du mois à l’année, sachant qu’une étude économique (business case) porte souvent sur plusieurs périodes. L’exemple ci-dessous définit le plan de charge financier d’une solution « Projet A » sur six semestres, soit trois années. Les investissements sont concentrés sur la première année, l’exploitation augmente progressivement avant de retomber ; un projet « de remplacement » aura été préparé pour prendre le relais.
Projet A |
Sem. 1 |
Sem. 2 |
Sem. 3 |
Sem. 4 |
Sem. 5 |
Sem. 6 |
Réalisation : salaires |
15 000 |
15 000 |
5 000 |
5 000 |
2 000 |
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Réalisations : prestations |
50 000 |
70 000 |
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Hébergement |
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10 000 |
20 000 |
25 000 |
30 000 |
30 000 |
Exploitation |
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10 000 |
10 000 |
8 000 |
6 000 |
Support |
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18 000 |
20 000 |
22 000 |
16 000 |
Marketing/ commercialisation |
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10 000 |
12 000 |
14 000 |
10 000... |
Le compte de résultats (Profit and Loss)
Le Profit and Loss (P&L) met en regard des entrées d’argent (chiffre d’affaires ou revenu) avec les dépenses occasionnées par le projet et par l’exploitation de la solution correspondante.
1. Le modèle économique
Le modèle économique est un choix marketing qui influence grandement la dynamique du chiffre d’affaires. Voici quelques exemples de business models liés aux solutions logicielles.
a. Licence et maintenance
C’est l’approche la plus répandue. Le client s’acquitte d’un droit initial d’usage (la licence utilisateur) et d’une maintenance périodique (annuelle par exemple) d’un montant généralement compris entre 15 % et 25 % du prix de la licence.
Les opérations d’installation et la formation sont le plus souvent facturées séparément de la licence et n’entrent pas dans le cadre de la maintenance. Cette dernière regroupe les mises à jour correctives et évolutives de la solution, ainsi que l’assistance aux utilisateurs (support).
Lorsque le client est dégagé de ses obligations de souscription à la maintenance, il poursuit l’exploitation de sa solution, même si celle-ci n’est plus mise à jour.
b. L’abonnement (SaaS)
Dans le modèle par abonnement, le client s’acquitte périodiquement d’un droit d’usage de la solution. Le non-paiement des redevances provoque la rupture du contrat et entraîne l’arrêt des services ; ce modèle est appelé Software as a Service (SaaS) car, pour le prestataire, la meilleure solution pour s’assurer que l’ex-client n’accède plus à la solution consiste à déporter les données et l’application hors des murs de ce dernier. Le modèle SaaS est donc bien adapté aux solutions Internet.
c. Le modèle transactionnel (Pay as you go)
Dans cette approche, le système est relativement ouvert et incite l’utilisateur à consommer des services ; ceux-ci sont comptabilisés en fonction de l’usage selon un modèle prépayé ou au contraire facturés a posteriori. L’unité de facturation, la...
Le business case
Le business case est une « étude de cas » qui décrit la mise sur le marché d’un nouveau service ou d’un nouveau produit et son espérance économique.
1. La proposition de valeur
La value proposition exprime la valeur perçue par les futurs clients de la solution envisagée par le business case. La valeur s’établit comme le rapport des bénéfices (avantages) sur les coûts (investissements).
Valeur = bénéfices / coûts
Pour que le client accepte d’acheter la solution, il doit reconnaître sa valeur ; le prix est donc directement fonction de cette perception (et bien entendu du positionnement marché).
Des études marketing (études de marché) sont menées pour vérifier la conformité de la proposition de valeur et pour s’assurer du réel potentiel marché de la solution. Le premier indicateur est l’espace vacant sur le marché (ou sur une segmentation cible de ce marché), que l’on désigne par white space en terminologie marketing. Le second indicateur clé est le taux de pénétration cible de la nouvelle solution, autrement dit le nombre d’usagers potentiels de la solution.
Les études qualitatives déterminent le comportement et les motivations d’un groupe limité de consommateurs...
Le suivi financier des projets
1. Les comptes rendus d’activité
Les comptes rendus d’activité (CRA) sont des instruments de mesure indispensables pour contrôler la bonne exécution du planning comme du budget de réalisation du projet. Ainsi, le chef de projet doit être sensibilisé aux aspects financiers et, plus encore, s’inscrire dans une démarche de maîtrise des coûts, au même titre que la qualité et les délais.
2. La reconnaissance du chiffre
Comme nous l’avons expliqué ci-dessus, les entreprises exerçant une activité de (recherche et) développement adoptent fréquemment un modèle comptable basé sur la reconnaissance de revenu. Le chiffre d’affaires est donc lissé en suivant le rythme des investissements. Là encore, le rôle du chef de projet est primordial car il fournit le décompte des activités de développement liées à l’apport de valeur au produit.
La réglementation concernant la protection des données personnelles (data privacy)
La protection des données personnelles est devenue une priorité dans nombre de législations, accompagnant l’essor sans précédent du marché digital et de l’usage massif de données marketing. L’Union européenne applique depuis 2018 le règlement général de protection des données (RGPD ou GDPR en anglais), et beaucoup d’autres pays dans le monde ont adopté des législations similaires.
Cette démarche responsabilise les organisations collectant des données personnelles en encadrant précisément leur usage et leur confidentialité. Les principes de la protection des données sont les suivants :
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Les données collectées sont la propriété des individus (data subject).
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Les organismes de contrôle de données (data controller) doivent limiter la collecte de données personnelles aux besoins d’un traitement légitime librement consenti par l’individu, lequel a au préalable reçu une information complète sur l’objet des traitements.
-
Les organismes sous-traitants (data processor) exercent sous la responsabilité du contrôleur de données et doivent une transparence complète quant aux modalités d’accès et d’emploi des données (territorialité de l’hébergement, sécurité du stockage…).
-
L’individu dispose d’un droit de consultation, de rectification ou de suppression de l’ensemble de ses données personnelles.
-
Toute divulgation, altération ou vol de données personnelles doit être déclaré auprès des autorités compétentes, et les individus informés de cette situation.
Le contrôleur de données a la responsabilité du respect de ces principes. En cas de manquement, il s’expose à de fortes pénalités, voire à des poursuites judiciaires. En particulier, les systèmes de stockage et de traitement des données personnelles ont l’obligation d’être sécurisés par conception (privacy by design). Cela signifie qu’un contrôleur de données...
Le cadre contractuel du projet
La conduite d’un projet informatique est fréquemment adossée à l’exécution d’un contrat, et c’est notamment le cas lorsque bénéficiaire et exécutant du projet sont des personnes morales distinctes. En d’autres termes, une société E est chargée de réaliser un projet pour la société B. Cette construction contractuelle typique a donné lieu à la création de dénominations désormais bien connues, les entreprises de service du numérique (ESN, anciennement appelées sociétés de services et d’ingénierie informatique ou SSII). Aux ESN s’ajoutent les éditeurs de logiciels, les fournisseurs de services et d’équipements informatiques comme pourvoyeurs de projets informatiques et des contrats correspondants.
Le contrat qui recense l’ensemble des prestations, livrables et des modalités de réalisation constitue le socle de la gestion du projet. Le chef de projet endosse un nouveau rôle. Il n’est pas seulement celui qui conduit le projet ; il veille aussi à ce que le projet respecte le cadre contractuel.
Il s’agit donc de piloter un projet mais aussi de gérer la relation contractuelle. Selon l’ampleur du projet et la taille des organisations, cette activité peut être confiée à un représentant commercial, un directeur de projet ou un gestionnaire d’unités de réalisation (engagement manager).
1. Le vocabulaire des appels d’offres
Avant d’étudier les différentes formes de contrat, attardons-nous sur la tenue d’appels d’offres (tender process en anglais). Participer à un appel d’offres est souvent un projet en soi, et nous en présentons ici les notions clés.
Un appel...
Étude financière du site de vente en ligne
Stéphanie, la dirigeante de On’Troc, détermine dans un premier temps la structure de coûts de sa société afin d’ébaucher ses budgets. Parallèlement, elle modélise son marché cible (prix, panier moyen, pénétration, fidélisation…). Ces éléments sont combinés pour établir le cas d’affaires (business case) et procéder à l’analyse financière de son projet.
Les budgets réels sont périodiquement ajustés, tenant compte des résultats passés et de nouvelles prévisions.
1. Structure de coûts et budgets estimés
Les actionnaires ont fait le choix d’externaliser l’ensemble des services de l’entreprise de façon à pouvoir moduler les ressources en fonction des résultats économiques de l’entreprise. Le groupe d’investisseurs qui détient la majorité du capital dispose justement de centres informatiques capables d’assurer l’exploitation de l’entreprise. Cette approche permet également de contrôler les bénéfices des filiales en refacturant les services informatiques, lesquels représentent une part prépondérante dans le budget de la société On’Troc.
En phase de création, l’étude financière porte sur trois exercices, elle sera vraisemblablement étendue aux deux ou trois exercices suivants, ceci au terme de la première année.
Le projet On’Troc est basé sur un paiement à chaque transaction, et le montant des redevances est détaillé dans le business case.
Les effectifs permanents de la société sont les suivants :
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Stéphanie, directrice générale.
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Agnès, assistante de Stéphanie.
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Jean-Pierre, chef marketing.
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Françoise, directrice des ventes.
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Michèle, service clients.
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Bruno, responsable des systèmes d’information.
a. Budget d’investissement CAPEX (Capital Expenditure)
Étant donné l’approche budgétaire retenue, le budget d’investissement CAPEX est assez simple car peu de postes sont désignés "capitalisables" (amortissables)....