Construire un ordinateur quantique
Introduction
Les chapitres précédents se sont d’abord attachés à expliquer les fondements de la physique quantique (première partie) avant de s’intéresser à l’informatique quantique dans cette seconde partie conclue par le présent chapitre. Car si nous avons à présent une certaine idée du fonctionnement d’un ordinateur quantique et des notions inhérentes (bit quantique, porte quantique, circuit quantique), nous ne savons pas encore très bien comment se fabrique, ou plutôt se fabriquerait, un ordinateur quantique, quel est l’état de l’art, et le niveau d’innovation actuel dans le domaine.
C’est donc à cette question de la fabrication concrète d’un ordinateur quantique que le présent chapitre va être consacré.
Architecture de l’ordinateur quantique
1. Premiers éléments
Tout d’abord, il faut envisager l’ordinateur quantique comme une sorte de microprocesseur quantique qui serait « piloté » par un ordinateur classique. C’est donc une entité au fonctionnement un peu particulier qui communique avec l’ordinateur classique. À ce titre, il a ses entrées (issues de l’ordinateur classique) et ses sorties (vers l’ordinateur classique). Exprimé autrement, un ordinateur quantique n’a pas de fonctionnement autonome en tant que tel. Il est en quelque sorte « asservi » et reçoit des requêtes calculatoires depuis l’ordinateur classique. Comme nous le verrons par la suite, cette dichotomie apparaît dans la pratique dans la plate-forme Quantum de Microsoft par exemple. Le langage C# est dévolu au pilotage depuis l’ordinateur classique alors que le langage Q# est le langage de programmation de la simulation de l’« ordinateur quantique ». On peut établir un premier schéma de représentation (ci-dessous) qui va nous servir de base pour détailler chacune de ses sous-parties :
Illustration 1 : schéma d’un ordinateur quantique
Les données du problème soumis à l’ordinateur quantique sont transmises via les entrées. Pour...
Le bit quantique physique en pratique
1. Approche générale
Comme suggéré au cours de l’ouvrage, on peut envisager de créer un bit quantique en utilisant un photon dont les états superposés seraient relatifs à sa polarisation.
On peut évidemment envisager de prendre un électron en exploitant le spin comme support de l’état quantique.
On peut même envisager de prendre un atome, voire un noyau atomique, voire même un ion comme particule élémentaire de la définition physique d’un bit quantique. Pour rappel, un ion est un atome un peu particulier : il n’est pas neutre électriquement et porte donc une charge électrique positive ou négative (le nombre de protons est différent du nombre d’électrons).
2. Pistes de réalisation
Procédons au listage des différentes possibilités existantes ou ayant été tentées.
1. |
Les cavités résonantes, soit optiques, soit micro-ondes. |
2. |
Les pièges à ions (furtivement évoqués précédemment). |
3. |
Les systèmes basés sur la résonance magnétique nucléaire utilisant le noyau atomique et ses propriétés. |
4. |
Les points quantiques. |
5. |
Les atomes piégés dans un réseau optique. |
6. |
Les supraconducteurs avec jonction Josephson.... |
Détails de quelques pistes de réalisation
1. La piste de la résonance magnétique nucléaire
a. Explication du phénomène
Certains noyaux atomiques (ceux de l’hydrogène ou du carbone 13) possèdent un spin nucléaire (moment magnétique). Quand ce type de noyau atomique est placé dans un champ atomique, il est alors soumis à un rayonnement électromagnétique : les noyaux atomiques absorbent puis relâchent l’énergie reçue du rayonnement. Ce phénomène est appelé résonance, d’autant qu’il se produit à une fréquence bien précise. Il permet l’observation des états quantiques associés.
b. RMN et ordinateur quantique
Ce phénomène est à la base de certaines techniques d’imageries médicales. Il est également ce qui a permis une avancée significative de la conception d’ordinateurs quantiques au début des années 2000. Ains ...
Un bref état des lieux
1. Typologie des acteurs
De façon d’emblée très schématique, on peut observer une distinction entre recherche publique et recherche privée dans le domaine de l’informatique quantique. Si bien sûr les innovations théoriques émanent indifféremment aussi bien du secteur public que du secteur privé, il en va bien différemment dans la tentative de réaliser un réel ordinateur quantique incluant un maximum de bits quantiques.
Le coût d’un tel projet étant évidemment colossal, on remarque que seuls de grands acteurs privés se sont officiellement lancés dans de telles entreprises. On notera toutefois que le sujet est particulièrement sensible, le niveau d’informations atteignant le grand public plutôt parcellaire, il n’est pas impossible que certains acteurs et possiblement des États-nations se soient lancés dans la construction d’un ordinateur quantique, cela en toute confidentialité.
Quels sont ces acteurs ? Des acteurs dédiés d’abord, spécialisés dans l’informatique quantique comme l’entreprise canadienne D-Wave Systems ou l’entreprise californienne Rigetti Computing. Il y a également de grands acteurs du super-calcul, concepteurs à ce titre de super-calculateurs : l’entreprise japonaise Fujitsu ou encore l’entreprise française Atos. La dernière catégorie, sans doute la plus importante, est celle des grands acteurs mondiaux de l’Internet et de l’informatique : Google, Intel, IBM et bien sûr Microsoft ont chacun leurs programmes de développement d’un ordinateur quantique utilisable de façon consistante dans les années qui viennent.
2. Un état des lieux, acteur par acteur
Si le marché de la conception d’ordinateurs quantiques est effectivement occupé par les trois grandes catégories d’acteurs proposées...