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La propriété intellectuelle à l'épreuve de l'IA

Introduction

Les difficultés d’appréhension des évolutions technologiques par le droit de la propriété intellectuelle ne sont pas nées avec le déploiement de l’intelligence artificielle. Au milieu du XIXe siècle, les photographies et les œuvres cinématographiques ont été écartées de toute protection par le droit d’auteur : ces productions étant directement issues de procédés techniques, elles ne pouvaient en aucun cas bénéficier d’une protection centrée sur l’auteur1.

Aujourd’hui, l’importance des créations générées par des outils dotés d’une intelligence artificielle ne peut plus être ignorée. En effet, l’intelligence artificielle est désormais capable de créer des tableaux, des scénarii de films, des articles de presse, des musiques… autant de productions initialement créées par l’humain exclusivement.

Son succès est également croissant. D’un point de vue musical par exemple, si un musicien a tendance à créer une musique qui lui correspond, les algorithmes produisent pour leur part des créations qui correspondent à ce que le public souhaite écouter2.

Toutefois, l’implémentation de l’intelligence artificielle...

Les créations générées par des applications d’IA sont-elles protégeables par le droit d’auteur ?

Conformément à l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous »4, et ce sur « toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination »5.

Si la protection envisagée par ces articles semble limpide, il convient toutefois de s’intéresser aux critères de qualification de l’« œuvre de l’esprit », considérée comme le cœur de la protection offerte par le droit d’auteur.

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En effet, pour être qualifiée d’œuvre de l’esprit, une production doit être concrétisée par une personne physique, mais elle doit également être originale. Ces critères constituent les fondements essentiels de la protection par le droit d’auteur, mais ils se trouvent également au centre des problématiques impliquées par l’implémentation de l’intelligence artificielle dans le domaine...

Les créations générées par des applications d’IA sont-elles protégeables par le droit des brevets ?

La protection par le droit des brevets est aujourd’hui strictement encadrée par le droit de la propriété intellectuelle. En effet, l’article L.611-10 du code de la propriété intellectuelle prévoit explicitement que « sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle »12.

Se dégage de cet article quatre critères incontournables à la brevetabilité d’une invention :

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D’une part, la protection par le droit des brevets implique l’existence d’une « invention », notion qui semble difficilement transposable aux productions générées par des outils d’intelligence artificielle.

En effet, pour qu’une invention soit brevetable, elle doit non seulement revêtir un caractère technique, mais elle doit également procurer un résultat technique dans l’ordre industriel13, permettant ainsi de surmonter une difficulté ou une problématique jusqu’alors non résolue.

Pour l’heure, l’intelligence artificielle combine, grâce à des algorithmes entraînés puisant...

Le besoin d’un ajustement du droit de la propriété intellectuelle

Face à la diversité des problématiques que pose la collaboration de l’intelligence artificielle et de la création, une interrogation semble perdurer : comment protéger efficacement les productions réalisées par l’intelligence artificielle ?

Une première piste de réflexion offerte par le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) viserait à la création d’un droit d’auteur spécial destiné à désincarner le processus de création18, pour ainsi associer le droit d’auteur à une personnalité indirectement reliée à la production, telle que le concepteur ou l’utilisateur de l’intelligence artificielle19.

Pour davantage de cohérence de ce régime spécial applicable aux œuvres générées par l’intelligence artificielle, il serait également louable d’appréhender plus objectivement le critère de l’originalité inhérent au droit d’auteur20. Ce critère, jusqu’à présent intrinsèque à l’auteur personne physique puisque considéré comme le seul apte à marquer une œuvre de sa personnalité, pourrait être envisagé...

Notes

1 RANDRIANIRINA I., « Plaidoyer pour un nouveau droit de propriété intellectuelle sur les productions générées par intelligence artificielle », Recueil Dalloz 2021, p.91

2 CARPENTIER L., « L’algorithme, nouvelle machine à tubes », Le Monde, 15 février 2021

3 BENSAMOUN A. et LOISEAU G., « L’intégration de l’intelligence artificielle dans l’ordre juridique en droit commun : question de temps », Intelligence Artificielle, Paris, Éditions Dalloz, mars 2019, p.210

4 Article L.111-1, alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle

5 Article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle

6 Cass. civ. 1ère, 13 novembre 1973, n°71-14.469

7 Cass. Com., 25 mars 1991, n°89-11.204

8 RANDRIANIRINA I., « Plaidoyer pour un nouveau droit de propriété intellectuelle sur les productions générées par intelligence artificielle », Recueil Dalloz 2021, p.91

9 EZRATTY O., « L’IA est-elle vraiment créative ? », Opinions Libres - Le blog d’Olivier Ezratty, 18 novembre 2017

10 RANDRIANIRINA I., « Plaidoyer pour un nouveau droit de propriété intellectuelle sur les productions générées par intelligence artificielle »...